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Troquer l’humain contre l’argent.

L’Argent. Objet ? Notion ? Outil peut être ?

L’argent nous est aussi familier que l’air que nous respirons, que la nourriture que nous ingérons, et le fait même qu’il soit le moyen d’acquérir cette dernière est devenu une évidence indiscutable. Qui penserait pratiquer le troc à nouveau ? Et puis soyons honnêtes: compte-tenu de la complexité de notre système consumériste, le troc serait une véritable source de conflit !

Ou pas. Il est assez frustrant quand on y pense de devoir donner une valeur fixe à tout objet, ou service. D’autant que, si l’on s’en réfère au fonctionnement même des micro et macro-économies, cette valeur fluctue incessamment. La vérité, c’est que l’argent apporte une résolution aux éventuels problèmes d’échanges commerciaux. Et pourtant, parlez avec un acheteur industriel, alimentaire ou autre, et vous comprendrez que le « coût » d’un produit se négocie ! Le fait d’acheter plus fait chuter le prix ? Etrange non ? Un poulet reste un poulet il me semble. Une ampoule reste une ampoule, et que l’on en achète une, des centaines, des milliers, le temps imparti à la fabrication de chacune d’entre elle, et les matériaux utilisés sont approximativement les mêmes (je n’entrerai pas dans certains détails industriels justifiant la chute des coûts standards de production en fonction des volumes). Néanmoins, rien qu’en termes de matières premières, c’est une vérité indéniable.

On comprend déjà que cet « argent » n’est pas si objectif que l’on voudrait le croire. Tout comme le troc ne l’était pas. Alors où est le souci ? Il semble se trouver dans le fait que les relations commerciales globales (que ce soit pour les sociétés ou pour les particuliers) ne se résument plus qu’à négocier un prix, en fonction d’une qualité normalisée, et d’une quantité éventuelle. Quid de l’humain et des relations sociales dans tout ça ? Car on peut estimer que les échanges commerciaux étaient autrefois un motif de réunion et de partage idéologique, culturel voire philosophique.

Aujourd’hui, vous achèteriez un veau, ou une mobylette, sans vous inquiéter de ce qui en résulte, de l’impact en amont et en aval, parce que vous payez, tout simplement. Vous estimez que cette perte d’argent représente une dé-responsabilisation quant à tout ce qui tourne autour du produit. Et vous avez raison; après tout, il y a des lois, des règlements qui doivent encadrer les produits et leur chaîne de fabrication ou d’élevage. Enfin, raison… disons plutôt, logique.

Mais hier, si vous vouliez une mobylette, et que vous possédiez un veau, comment cela se passait-il ? Troquer deux objets engendre une foule de questions, d’échanges, et d’argumentations, visant, bien entendu, à équilibrer l’échange. Mais pas tant qu’avec l’argent pourtant. L’homme qui vous propose sa mobylette semble rechigner à valider l’échange sous prétexte que votre veau a mauvaise mine. Il se sent lésé dans l’échange. Vous auriez du prendre soin de votre veau, il aurait eu une plus grande valeur. Vous lui expliquez pourtant, et tant bien que mal que le veau est tombé malade il y a quelques semaines mais qu’il va mieux aujourd’hui. Par ailleurs, votre vieille grand-mère est souffrante, et vous ne sauriez vous rendre à son chevet sans cette mobylette. Bien sûr, vous pouvez mentir. Et si c’était vrai ? On voit tout de suite que le troc privilégie la relation humaine, et l’empathie qui réside entre toutes les créatures vivant ici-bas. Et j’imagine mal une société faire une ristourne sur une commande pour des raisons de ce type !

De nombreuses lignes pour démontrer que le troc est plus proche des relations humaines chaleureuses et intelligentes que l’argent qui lui, permet de s’émarger de toute considération autres que celles imposées par le système (industriel, économique, etc.). L’argent éteint petit à petit l’empathie qui existe entre les hommes.

Il est pourtant certain que cela n’a pas toujours été le cas. Alors qu’est-ce qui a bien pu changer ? Pourquoi les relations commerciales tendent aujourd’hui à devenir des lignes de commandes informatisées et systématisées privilégiant l’outil au détriment de la majorité de ses utilisateurs, les humains ? Et bien plusieurs éléments:
– La globalisation des marchés – la mondialisation
– La dématérialisation des échanges – l’informatique
– Le remplacement progressif de la politique par l’économie
D’autres entrent en compte, mais prenons ceux-ci pour entamer le débat.

S’il est vrai qu’échanger un veau contre une mobylette du point de vue personnel aurait encore pu se faire dans les années trente ou quarante, qu’en serait-il aujourd’hui entre deux entreprises gérant veaux et mobylettes ? Cela n’aurait aucun sens, compte tenu des volumes. Le troc est efficace sur des marchés physiques, là où les personnes se rencontrent, et commercent principalement à titre personnel, ou sur du commerce à taille humaine. Mais le monde, depuis l’antiquité surtout, s’étend toujours plus – même aujourd’hui. Les cultures s’entremêlent, optent pour des systèmes d’échange semblables aux nôtres, considérant de prime abord l’aspect « facilité » des échanges. Le piège de la facilité. Alors oui, maintenant, le troc est rendu totalement obsolète de par les volumes, les distances, et les exigences normatives.

Conséquence de cette globalisation des marchés, la dématérialisation des échanges. Terminée, la poignée de main fraternelle symbole d’accord. Aujourd’hui, une saisie informatique de milliers de produits sur un ordinateur engendrera une fabrication à des milliers de kilomètres de là. Plus aucune relation humaine dans l’échange, voire même plus aucun humain dans la chaîne. La froideur des câbles informatiques de cuivre (au prix exorbitant…) régit la communication à longue distance, et s’acquitte de faire exécuter les quelques palabres initialement déblatérées pour la mise en accord du prix. Et bien entendu, si le prix a été décidé, il ne changera pas, quoi qu’il arrive. Sauf sans doute pour le pétrole et les produits côtés en bourse.

Enfin, la politique, censée régir l’équilibre entre les humains, leur bien-être, et leur vitesse de progression, cède indéniablement sa place à l’économie, reine-mère du consumérisme effréné de notre structure sociale actuelle. Pourtant, une société devrait rester une organisation, et non une philosophie de vie, qui elle, devrait être absolument personnelle et subjective. Or l’économie prend le pas sur la politique – par des biais dont on parlera maintes et maintes fois dans ce blog. Et si elle conserve une organisation hiérarchique transformée, elle affecte toujours plus les philosophies de vie des membres de la société. Ces derniers se voient toujours plus imposés de suivre des règles induites par le système économique, et leur seule liberté s’en retrouve cloisonnée dans l’espace aimablement octroyé par ce système économique. La preuve: le troc est interdit (sous couvert d’interdire le travail au noir) ! Pourtant, d’un point de vue strictement moral, en quoi le troc relèverait-il de quelque chose de mal ?

Voilà un des effets de l’argent, sur la base même des éléments qui ont tendu à le faire naître. Les humains ont échangé. Les échanges commerciaux ont donné vie à l’argent. L’argent a simplifié les échanges en écartant les humains de ceux-ci. Les relations humaines ont disparu des échanges, et avec cette disparition, la disparition de la prise en compte de la vraie valeur des choses.

John

 
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Publié par le 22 juin 2011 dans Economie